Pourquoi tant d’éoliennes dans le Gâtinais ?
À l’heure à laquelle l’Irlande interdit leur installation à moins de 1 209 m des habitations, des éoliennes sont prévues à 600 m de maisons du Beaunois, du Pithiverais, de Treilles, Gondreville... Si volumineuses que même Ladon est concerné par l’enquête publique ayant cours jusqu’au 13 mars.
Dans le Gâtinais Ouest
Pourquoi tant d’éoliennes ?
Attirées par les aides publiques, les sociétés éoliennes multiplient les projets. Plusieurs se dessinent dans l’ouest du Gâtinais. Mais leurs méthodes posent question. Ce sont les élus qui le révèlent.
Des éoliennes de près de 200 m de haut, voilà ce qui est en train d’apparaître, en réalité ou en filigrane, dans le paysage du Gâtinais. Plus précisément côté ouest. Le secteur est d’autant plus attractif qu’il n’est pas très peuplé.
De nombreuses sociétés œuvrent en sous-marin dans le dos des élus
Dans ce cas, pourquoi ne pas y installer des éoliennes ? La question peut très bien se poser. Le hic, c’est qu’elle ne se pose pas.
De nombreuses sociétés éoliennes préfèrent passer dans le dos des élus. Dans certains villages, le conseil municipal sait que son territoire est dans le collimateur d’une société. Voire deux... ou trois ! Comme à Treilles-en-Gâtinais, par exemple.
Le conseil municipal de Treilles l’apprend par hasard
Deuxième adjoint à Treilles, Laurent Roger raconte : « En novembre dernier, un habitant est venu nous voir avec des ébauches de plans qu’il avait récupérées lors d’une réunion qui venait de se tenir en privé. Cet habitant voulait connaître notre avis sur la question. Sauf que la commune n’était au courant de rien du tout ! »
Curieuse vision de la démocratie. « Nous avons ensuite eu écho que cette société, VFB, devait nous présenter son projet en janvier. Nous attendions toujours... Alors nous les avons appelés, ce 9 février. Il nous a été répondu que nous n’étions pas les plus concernés. »
Des maires harcelés
« Mais comment répondre une telle chose alors que les mâts doivent faire 164 m de haut ? », s’interroge le maire, Henri Molinier. Un maire qui affirme avoir été « presque harcelé, depuis les dernières municipales, par toutes sortes de sociétés éoliennes, à raison d’un coup de fil par semaine ou une semaine sur deux ! »
Au final, certaines municipalités sont convaincues, d’autres pas. À Treilles, on ne l’est pas. « Mais on ne souhaite pas faire la guerre aux élus qui le sont », dit Henri Molinier. Et ils ne sont qu’à une poignée de kilomètres. S’il envisage une réunion publique, le conseil municipal ne cache pas qu’il n’apprécie ni les méthodes ni la perspective de voir le prix de l’immobilier chuter sur son territoire dans son ensemble. La 3e adjointe, Françoise Woehrlé, enfonce le clou : « Dans l’étude publiée il y a dix ans, nous n’étions pas dans un couloir de vent intéressant. Une société avait d’ailleurs chiffré qu’une éolienne — évaluée à plus de 4 M € — rapporterait à Treilles 660 € par an, soit moins de 2 % des indemnités annuelles. » Et là, le vent n’a sûrement pas tourné. Ce qui a changé, de l’avis de très nombreux élus du Beaunois, c’est l’appel d’air provoqué par la mise à disposition de l’argent public.
La.B.
Des projets à foison
Dans la même zone, 3 projets :
- Gondreville-Courtempierre, société Intervent.
- Courtempierre-Treilles-Gondreville : 20 éoliennes, Sté VFB
- Girolles-Préfontaines-Treilles : 10 éoliennes, Sté La Compagnie du Vent
Par ailleurs, à Lorcy, 7 éoliennes, Sté Volkswind.
Arville : 6 installations en cours, Sté Éco Delta
Point de vue
C’est dans le vent !
Des éoliennes en voulez-vous, en voilà ! Ces gigantesques pylônes à trois pales fleurissent un peu partout dans le nord du Loiret et ailleurs. Ils sont légion en allant en Beauce, de chaque côté de la route parfois.
Transition énergétique oblige ! C’est dans l’air du temps, pour ne pas dire dans le vent. Il n’empêche que ça gâche le paysage. Pas plus que les lignes à haute tension auxquelles nous sommes habitués, dira-t-on. Tout de même ! À l’œil, c’est nettement plus visible et plus moche. Les éoliennes ont beau être toutes blanches, elles ne passent pas inaperçues, surtout pour les populations vivant aux alentours. Et elles deviennent de plus en plus hautes.
Des associations de riverains se créent, ferraillant contre les projets de parcs éoliens. C’est le cas dans le Beaunois et dans le nord du Gâtinais. Le plus étonnant est que ces projets sont, pour certains, montés dans le dos des élus, sans qu’ils soient consultés. Et lorsqu’ils s’y opposent, il n’est même pas sûr qu’ils obtiennent gain de cause, tant la pression et la puissance des sociétés éoliennes sont fortes.
Le procédé est pour le moins curieux car c’est la collectivité toute entière qui est sérieusement impactée par ces moulins à vent des temps modernes, visibles à des dizaines de kilomètres à la ronde. C’est surtout vrai pour les riverains qui redoutent, à juste titre, une chute des prix de l’immobilier dans les secteurs concernés.
Malgré cela, les projets foisonnent. Les sociétés de l’éolien, pour la plupart étrangères et attirées par les aides publiques, se ruent sur l’opportunité qu’est l’essor de l’énergie propre.
Mais à quel prix pour l’environnement de proximité ?
Francis Bonnet
Des conseils municipaux tiraillés
Tout près de Treilles, certaines communes seraient favorables à l’installation d’éoliennes, comme Gondreville par exemple. C’est d’autant plus délicat qu’on est là sur de courtes distances en campagne. C’est ainsi que Ladon est concerné par les éoliennes de Lorcy...
« Sincèrement, j’aimerais obtenir un avis scientifique honnête et je ne l’ai pas. Beaucoup sont comme moi dans l’expectative », concède le 1er adjoint de Gondreville, M. Baudoin. « Mais il faut aussi, comme notre maire, avoir le courage de travailler pour le futur. Personnellement, j’aimerais qu’on puisse organiser un referendum dans les communes concernées pour avoir l’avis de la population. »
Autre exemple : Beaumont. Comme beaucoup de ses homologues, le maire, Hugues Moncel, trouvait « anormal que la taxe rapporte à toute l’intercommunalité alors que peu de communes sont impactées en réalité. » Le maire dit désormais « qu’il faut jouer le jeu de la "com com", et qu’un projet est de l’ordre du possible, puisqu’aucun habitant ne s’est plaint des éoliennes installées à Sceaux, Mondreville et Gironville (1), pourtant proches. » « Deux sociétés sont en lice : une française avec du matériel étranger ; et un vendeur d’affaires qui revendra son dossier à un vendeur d’éoliennes. » Mais ceci ne va-t-il pas coûter plus cher ? « Cela n’est pas notre affaire », considère Hugues Moncel.
Le fait est que les élus des petites communes ont d’autres chats à fouetter, très sollicités par ces sociétés — et il n’y a pas qu’elles ! — qui leur réclament une entrevue seuls, sans adjoint. Attirées par les subventions, ces entreprises leur mettent ainsi la pression. « elles qui peuvent très bien n’avoir que quelques milliers d’euros de capital et monter un projet de 2 millions d’euros... Pour se déclarer ensuite en faillite avant d’avoir mis à la Caisse des dépôts et consignation l’argent nécessaire au démantèlement futur des éoliennes en fin de vie », explique un ancien conseiller municipal. Qu’en sera-t-il donc de leurs installations dans 30 ou 35 ans ? À Lorcy comme à Treilles, on confie : « Nous ne nous faisons guère d’illusions, elles ne seront plus là pour assurer ni la maintenance ni le démantèlement des éoliennes. »
(1) Le 1er et seul parc éolien d’Île-de-France, inauguré en 2015.
Une voie romaine en partie détruite pour des éoliennes
Les élus et intercommunalités du Beaunois se sont prononcés contre l’installation d’éoliennes dans leur secteur pour de multiples raisons — dont le fait que l’argent échappe au territoire, toutes ces entreprises de l’éolien n’étant pas françaises. Ils ont même reçu l’appui du sénateur J.-Pierre Sueur et de la députée Marianne Dubois, pourtant de sensibilités différentes. D’où l’importance de l’enquête publique en cours. « Surtout qu’on peut vraiment s’exprimer lors de l’enquête », appuie Jean-Marie Vannier, maire de Vou.
Pourquoi donner la parole à cette petite commune d’Indre-et-Loire ? Parce qu’elle a affaire à la société Volkswind — celle qui est intéressée par le territoire de Lorcy (sous le nom des Terres chaudes).
Le maire de Vou n’a pas assez de mots pour dénoncer la manière dont se comporte la société éolienne. « Pour faire passer leurs futurs réseaux, ces gens s’apprêtent à détruire en partie le Grand Chemin de Saint-Martin ; un chemin sous lequel se trouve une voie romaine faisant partie d’un ensemble européen ! » Considéré comme un patrimoine culturel à part entière, ce chemin part en effet de Hongrie pour arriver dans la bourgade où Saint Martin s’est éteint en 397.
Incroyable qu’on ne puisse pas le protéger... « Le problème, c’est que ce tracé est inscrit et non pas classé », explique M. Vannier, qui conclut : « Nous, petites communes, nous nous retrouvons face à des batteries d’avocats. Bien démunies pour protéger notre territoire. »