Dernière mise à jour : 24 août 2023

Le Figaro 30 janvier 2019 France

« Le grand débat, dernière chance d’obtenir l’arrêt de la prolifération des éoliennes »

« Pour atteindre les objectifs fixés par la loi sur la transition énergétique, la moitié des habitations de la France rurale se trouveraient à moins de 3 km d’une grande éolienne. »

Nos campagnes ne sont plus des campagnes, mais des zones semi-industrielles. (39785567/refresh(PIX) - stock.adobe.com)

Par Patrice Cahart,
ancien directeur de la législation fiscale au ministère des Finances

Patrice Cahart
Patrice Cahart
Ancien directeur de la législation fiscale au ministère des Finances
(dessin : Clairefond)

TRIBUNE — Patrice Cahart, inspecteur général des finances honoraire, juge insensée la multiplication des éoliennes, tant au plan économique qu’esthétique et même en termes de santé publique.

La transition énergétique fait partie du grand débat national qui vient de s’ouvrir. C’est l’occasion de s’interroger, une nouvelle fois, sur la priorité accordée à l’éolien.

Cette forme d’énergie est, nous assure-t-on, renouvelable. Trompeuse apparence. Sur notre territoire, une grande éolienne ne fonctionne en moyenne qu’à 24 % de sa puissance. En effet, s’il y a peu de vent, elle reste immobile ; s’il y a trop de vent, on doit l’arrêter ; le reste du temps, elle tourne fréquemment au ralenti. Or les consommateurs ont besoin d’une fourniture régulière. Qui prend le relais ? Des turbines à gaz. Du fait de ce mariage forcé, l’éolien n’est ni propre ni renouvelable.

D’ailleurs, la France n’a aucun besoin d’un supplément d’électricité. En année normale, elle brade déjà le dixième de sa production : contrainte par l’État d’acheter le courant éolien à un prix moyen de 82 euros le mégawatt-heure (MWh), EDF le revend sur les marchés extérieurs avec une perte du tiers ou de la moitié. De nouvelles implantations éoliennes ne feraient qu’accroître ce gâchis mis à la charge du consommateur français.

Pour le voisinage, nombreuses sont les nuisances : bruit, foudre, effets stroboscopiques… On a trop longtemps négligé les infrasons et les champs électromagnétiques qui traversent les murs et s’attaquent aux organes des hommes ou des animaux, même à plusieurs kilomètres de distance. Depuis un colloque scientifique tenu à Paris le 16 novembre 2018, il n’est plus possible d’en faire abstraction.

Certains projets montent à 240 m, et s’approchent donc des 300 m de la tour Eiffel. On verrait clairement ces engins à 20 km, et, de nuit, à 30 km, en raison des feux clignotants rouges !

Pour tout arranger, la loi de 2015 relative à la transition énergétique prévoit de remplacer le tiers de la production nucléaire actuelle par du prétendu renouvelable (éolien et accessoirement photovoltaïque). Près de la moitié des habitations de la France rurale se trouveraient alors à moins de 3 km d’une grande éolienne. Nos campagnes ne seraient plus des campagnes, mais des zones semi-industrielles, sans les emplois qui vont normalement avec (car toutes les grandes éoliennes terrestres sont fabriquées hors de nos frontières). Le cadre de vie des Français et le décor de notre tourisme seraient bouleversés.

Comparons le volume d’investissement nécessaire pour appliquer cette loi de « transition » à celui de la solution la plus raisonnable, qui consisterait à prolonger de vingt ans ou même davantage, comme aux États-Unis, où la technique est similaire, la vie des centrales nucléaires actuelles. D’après mes calculs, le surcoût de la première solution, adoptée par les pouvoirs publics, par rapport à la seconde est de 84 milliards d’euros. Encore faut-il y ajouter le coût du réseau à haute et moyenne tension qui couvrirait la France pour relier les nouvelles éoliennes (alors que les centrales nucléaires, elles, sont déjà desservies), celui des turbines à gaz qui pallieraient l’intermittence de tous ces engins, et enfin les indemnités à verser à EDF pour la fermeture autoritaire de centrales encore utilisables.

Bien entendu, tout cela serait mis à la charge du consommateur ou du contribuable. Ce serait un puissant fauteur de renchérissement de l’énergie, que beaucoup de Français jugent déjà trop coûteuse. Le mouvement des « gilets jaunes » a montré que les usagers ne sont pas taxables à merci.

Une autre approche des coûts consiste à mettre en compétition l’éolien terrestre et le photovoltaïque. C’est ce qu’a fait le ministère de l’Environnement sur seize sites répartis dans neuf régions. Un communiqué du ministre, M. François de Rugy, en date du 6 novembre 2018 a révélé que le photovoltaïque avait été déclaré vainqueur seize fois, pour un prix moyen de vente du courant à EDF égal à 55 euros le mégawatt-heure. Ce montant peut être comparé d’une part au prix moyen d’achat du courant éolien terrestre par EDF — les 82 euros déjà mentionnés — et au prix de revient du courant qu’elle produit elle-même, principalement dans ses centrales nucléaires, soit 42 euros.

À la lecture de ce communiqué, on pouvait donc croire que la messe était dite pour l’éolien terrestre. Pas du tout. Trois semaines plus tard, nous avons appris que le parc éolien de la France allait tripler. Sidérant ! La sidération continue lorsqu’on prend connaissance d’un décret du 29 novembre 2018, dont l’article 23 décide que les opposants aux projets éoliens terrestres ne pourront plus saisir les tribunaux administratifs. Ils devront s’adresser directement aux cours administratives d’appel, perdant ainsi la possibilité d’une première discussion. Cet article enfreint un principe : les juges étant faillibles, toute cause doit, sauf enjeu mineur ou très spécifique, pouvoir être jugée deux fois sur le fond — en première instance puis en appel. De surcroît, l’article 23 fausse la concurrence entre l’éolien terrestre et les autres formes d’énergie, dont le photovoltaïque, qui ne bénéficient pas de la même faveur. Le Conseil d’État appréciera.

La sidération franchit un degré de plus lorsqu’on découvre un autre décret qui tend à remplacer les enquêtes publiques par des consultations au rabais, sans commissaire-enquêteur. Soumise à consultation publique, cette initiative s’est heurtée à une hostilité sans précédent : 2 968 avis défavorables contre 3 avis favorables. Le gouvernement n’en a pas été ému, et le texte a été publié sans changement notable au Journal officiel du 26 décembre (sic).

Les nouvelles éoliennes, dont l’inutilité voire la nocivité sont prouvées, ne doivent bénéficier d’aucune aide publique, directe ou indirecte. L’action en faveur du climat est à réorienter vers la géothermie, la méthanisation et la récupération de la chaleur des égouts, ainsi que vers l’isolation des bâtiments, leur chauffage et les réseaux de véhicules électriques. Il est urgent de stopper la folie des éoliennes.

Article du Figaro — 30 janvier 2019