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La Tribune 6 décembre 2015 Danemark

Énergies renouvelables : l'incohérence de la COP21

Si les énergies vertes sont désormais compétitives, pourquoi les subventionner? C'est qu'en fait, elles ne le sont pas vraiment...

Bjorn Lomborg
Bjorn Lomborg (Crédits : DR)

Par Bjorn Lomborg, directeur du Copenhagen Consensus Center et professeur adjoint au Copenhagen Business School. Bjorn Lomborg commente chaque jour l'actualité de la COP21 pour La Tribune.

Ici à Paris, beaucoup de gens bien-pensants croient qu'il nous faut, actuellement et dans les années à venir, réduire massivement les émissions de carbone et subventionner la production des énergies renouvelables (EnR), pour que la planète puisse avancer dans la résolution du changement climatique. Mais dans le même temps, ces mêmes personnes argumentent sur le fait que l'exploitation du solaire et de l'éolien est déjà compétitive, ou le sera très bientôt.

Ces deux arguments sont incompatibles et les personnes qui tablent en même temps sur ces deux points se trompent, que ce soit sur l'un ou sur l'autre.

Une partie de l'excès d'optimisme dont certains font preuve sur la réduction des émissions de carbone reposait sur l'affirmation qu'en l'espace de quelques années seulement, le solaire et l'éolien deviendraient tellement abordables que leur usage se répandrait dans le monde entier. Si c'était le cas, ce traité n'aurait plus lieu d'être actuellement. Nous aurions déjà résolu le problème du changement climatique et nous n'aurions plus besoin d'en faire plus.

Les énergies renouvelables réellement compétitives?

La secrétaire exécutive de la convention-cadre des Nations Unies pour le climat (CCNUCC), Christiana Figueres affirme que : « Combinées à des investissements dans des batteries de stockages, les énergies renouvelables sont actuellement réellement compétitives par rapport aux énergies fossiles, même pour les applications reliées à un réseau électrique ».

Si c'est vrai, le solaire et l'éolien devraient bientôt dominer le marché de l'énergie. Après tout, les gens ne brûlent pas de l'énergie fossile juste pour contrarier les personnes comme Mme Figueres. Ils le font parce que c'est abordable et fiable. Si les propos de Mme Figueres sont avérés et s'il n'y a de ce fait plus aucune raison d'utiliser les énergies fossiles, les gens vont naturellement passer aux énergies renouvelables.

Levelised cost of electricity from wind, solar PV and the average cost of power output in India in the New Policies Scenario.

Déjà, en 1976...

Il reste à savoir pourquoi Mme Figueres exhorte les gouvernements à « s'engager clairement dans une action étalée sur un siècle » contre le changement climatique.

Très probablement parce que l'affirmation selon laquelle les énergies renouvelables sont compétitives n'est tout simplement pas vraie.

Nous avons déjà entendu cela avant. Déjà en 1976, le célèbre environnementaliste Amory Lovins avait déclaré que la compétitivité de l'énergie solaire était imminente : « Une économie majoritairement ou entièrement solaire peut être établie aux États-Unis avec des technologies douces relativement simples qui ont fait leurs preuves et qui sont actuellement rentables ou à peu près rentables ». En 1984, le Worldwatch Institute nous ont informé que les subventions de l'éolien « ne seront plus nécessaires dans quelques années ». Plus récemment au Royaume-Uni, la Solar Trade Association avait prédit qu'elle pourrait se passer des subventions d'ici 2020. Quelques temps après, elle a repoussé cette date jusqu'en 2028.

Une énergie verte encore beaucoup plus chère, en Afrique

On nous dit souvent que l'énergie verte est compétitive en Afrique. L'énergie verte, et notamment l'éolien, peut effectivement aider les pays africains, par exemple à fournir de l'électricité aux zones rurales isolées.

Mais cela ne constitue qu'une petite partie de la situation dans son ensemble. Les réseaux électriques apporteront de loin plus de bénéfices à la majorité des populations. Selon une étude de la Banque Mondiale en 2011, l'énergie renouvelable « constituera l'option la plus abordable pour une faible minorité des ménages en Afrique, même en tenant compte des éventuelles réductions des coûts dans 20 ans ». Les éclairages solaires populaires coûtent presque 2 euros par kWh. Dans les grandes agglomérations d'Ethiopie, du Ghana et du Kenya, la fourchette tarifaire moyenne de l'électricité fournie par les centrales hydroélectriques et les centrales thermiques au gaz et au pétrole se situera probablement entre 0.15 et 0.24 euro par kWh. En Afrique du Sud, où le charbon alimente 90% des centrales, ce coût s'élève à seulement 0.08 euro par kWh.

... et en Inde

Et c'est encore plus vrai en Inde. En dépit des éventuelles baisses de prix sur le solaire et l'éolien, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que même en 2040, leurs coûts seraient supérieurs aux coûts moyens de production d'énergie.

A l'heure actuelle, l'énergie verte coûte 158 milliards d'euros en subventions chaque année - une facture s'élèvera à 194 milliards d'euros par an d'ici 2040.

Il serait toutefois intéressant - voire surprenant pour beaucoup - de noter que même avec des subventions massives et des politiques très vertes mettant en œuvre toutes les promesses des gouvernements, nous ne tirerons des énergies renouvelables que 2.4% de notre consommation énergétique globale en 2040, selon l'AIE.

Il faut vraiment avoir une vision ultra-optimiste sur l'économie verte pour voir un monde où l'énergie verte est sur le point de devenir compétitive - ou l'est déjà, comme l'affirme Mme Figueres. Mais si vous persistez à argumenter dans ce sens, il serait totalement incohérent que vous encouragiez en même temps les subventionnements à long-terme.

Le solaire et l'éolien auront encore besoin d'être soutenus durant plusieurs années et ils ne contribueront pas à résoudre substantiellement le changement climatique dans les années à venir. Autrement, s'ils sont sur le point de devenir compétitifs, nous pouvons réduire les subventions.

Traduit par Ninah Rahobisoa