Dernière mise à jour : 24 août 2023

Michael Shellenberger 17 mai 2018 Californie

Si les énergies renouvelables sont si bonnes pour l’environnement, pourquoi continuent-elles à le détruire ?

Les oiseaux tués par les chats sont petits et communs (pigeons, moineaux et rouges-gorges), tandis que les oiseaux massacrés par les éoliennes et les fermes solaires sont grands, rares et menacés (l’aigle royal, la buse à queue rouge et la crécerelle d’Amérique).

Alors, c’est toi qui menace notre espèce ?!

Par Michael Shellenberger, « Héros de l’environnement » selon le Time Magazine, Président de Environmental Progress.

Traduction par Michel Gay :

Michael Shellenberger
Michael Shellenberger

Si des parcs solaires et éoliens sont nécessaires pour protéger l’environnement naturel, pourquoi le détruisent-ils si souvent ?

Ainsi :

  • En Allemagne, selon les Amis de la Terre (BUND), de nouvelles éoliennes offshore pourraient « conduire à l’extinction d’espèces individuelles », y compris le marsouin, rare et menacé.
  • En Amérique du Nord, les populations de chauves-souris migratrices pourraient disparaître, selon les scientifiques, si l’expansion de l’énergie éolienne se poursuit.
    Une seule ferme solaire californienne, Ivanpah, a nécessité le massacre de centaines de tortues du désert, et tue chaque année 6 000 oiseaux en les brûlant en vol.
    En Californie, les éoliennes du col de l’Altamont tuent environ 4 700 oiseaux chaque année, y compris les aigles royaux. « Certains perdent leurs ailes », dit la Société Audubon, « d’autres sont décapités et d’autres encore sont coupés en deux ».

Vous pensez peut-être que ces impacts sont minimes par rapport à d’autres menaces ? Après tout, les chats domestiques tuent entre un et quatre milliards d’oiseaux par an aux États-Unis.
Ce chiffre semble ridicule devant les 16 200 à 59 400 oiseaux tués annuellement par les fermes solaires dans le sud de la Californie, et les 140 000 à 328 000 oiseaux tués annuellement par les éoliennes dans ce pays.

Cependant, votre vision des choses pourrait changer lorsque vous apprenez que les oiseaux tués par les chats sont petits et communs (pigeons, moineaux et rouges-gorges), tandis que les oiseaux massacrés par les éoliennes et les fermes solaires sont grands, rares et menacés (l’aigle royal, la buse à queue rouge et la crécerelle d’Amérique).

Et tout ami des oiseaux vous rappellera que les grands oiseaux de proie comme les rapaces sont plus lents à se reproduire et que la mort des adultes reproducteurs a un impact beaucoup plus dévastateur sur les populations que la mort des petits oiseaux. Mais ces impacts environnementaux ne sont-ils pas communs à toutes les formes de production d’énergie ?

Non, ils ne le sont pas. Parce que l’eau, la lumière du soleil et le vent sont des énergies si diluées que les énergies renouvelables nécessitent beaucoup plus de terrains et de matériaux pour produire la même quantité d’énergie que les énergies « classiques ».

La ferme solaire d’Ivanpah, par exemple, nécessite 5 000 fois plus de terrain, par unité d’énergie produite, que Diablo Canyon, la dernière centrale nucléaire de Californie, qui n’a pas eu d’impact sur la population de poissons voisine, et dont les bassins d’eau sont parmi les plus clairs de la côte Ouest.

Est-ce juste le début ?

Étant donné l’ampleur de l’impact écologique des parcs solaires et éoliens, il est surprenant de constater que ces énergies ne représentent seulement que 1,3 % et 6,3 % de l’électricité aux États-Unis et 1,3 % et 3,9 % de l’électricité dans le monde.

Les défenseurs des énergies renouvelables aimeraient voir les deux technologies croître de 5 % aujourd’hui à l’échelle mondiale jusqu’à 30 % à 100 % de notre approvisionnement en électricité.

Quels pourraient être les impacts sur la faune d’une multiplication par 6 à 20 de l’énergie solaire et éolienne ?

Il faudrait :

  • 95 parcs éoliens de la taille d’Alta Wind Energy Center, le plus grand parc éolien des États-Unis et le deuxième au monde, pour produire un quart de l’électricité californienne.
  • 93 fermes solaires de la taille d’Ivanpah, qui tue 6 000 oiseaux chaque année et a tué des centaines de tortues du désert, pour produire un autre quart de l’électricité de l’État.

Les répercussions sur les oiseaux et les autres espèces sauvages seraient-elles multipliées par cent ? Moins ? Plus ? Personne ne le sait. Les écologistes universitaires essaient parfois de le prédire, mais le monde réel est trop complexe.

Il est clair pour tout le monde cependant que les espèces animales ont besoin de maintenir une certaine taille de leur population pour éviter de disparaître. Cela exige à la fois un habitat et la capacité de se déplacer dans l’espace sans être tué.
« La centrale solaire d’Ivanpah est un cimetière d’oiseaux sur des terrains publics » a déclaré un représentant de la Société Audubon au Los Angeles Times. « Il continue à fonctionner comme s’il y avait une réserve infinie d’oiseaux à brûler. »

Des intérêts financiers pourraient expliquer pourquoi les promoteurs résistent farouchement pour modifier l’emplacement de leurs éoliennes — et donc pourquoi les oiseaux et les chauves-souris continuent de mourir.
« L’industrie éolienne et ses partisans ont aussi contribué à cette situation », dit l’American Bird Conservancy, « en minimisant ses impacts sur la faune tout en exagérant la capacité de l’industrie à atténuer les problèmes associés ».

Des scientifiques à la rescousse ?

Il n’est pas surprenant que la résistance aux projets d’énergie renouvelable vienne des biologistes et des ornithologues.
« Pour prévenir les extinctions à l’avenir », affirme Jonathan Franzen, romancier et ornithologue, dans The New Yorker, « il ne suffit pas de réduire nos émissions de carbone. Nous devons aussi garder un grand nombre d’oiseaux sauvages en vie. »

L’article de Franzen a fait du bruit. Un mois après sa publication en 2015, l’American Bird Conservancy a déclaré sans ambages à CBS News : « Les éoliennes sont parmi les menaces qui augmentent le plus rapidement pour les oiseaux de notre pays ».

Michael Hutchins dit que « les acteurs de l’industrie ont travaillé en coulisse pour essayer de minimiser les règlements de l’État et du gouvernement fédéral en s’attaquant aux lois environnementales importantes, comme la Loi du Traité sur les oiseaux migrateurs... ».

En 2013, les responsables fédéraux de la faune ont pris la mesure sans précédent d’annoncer aux entreprises privées qu’elles ne seront pas poursuivies, a rapporté le Los Angeles Times, « pour avoir harcelé ou même tué par inadvertance des condors californiens en danger », ce qui constitue une violation de la loi fédérale.

Les grandes organisations environnementales semblent imperturbables. Après avoir reconnu que l’expansion des éoliennes offshore en Allemagne « pourrait être grave et même conduire à l’extinction d’espèces individuelles », y compris le marsouin commun, l’association « Les Amis de la terre » en Allemagne (BUND) a déclaré ironiquement « mais les choses ne pourraient pas être si graves après tout ». Nous ne le savons tout simplement pas encore.

Imagine-t-on une situation où les « Amis de la terre » (Friends of the Earth, FOE) haussent à peine les épaules suite à la disparition d’une baleine lors d’un grand projet énergétique, alors que cette organisation se bat depuis 1970 contre les barrages hydroélectriques, les centrales nucléaires et les centrales à combustibles fossiles ?

Depuis 40 ans, FOE, Greenpeace, NRDC, et le Sierra Club font un battage médiatique sur l’eau légèrement chaude et propre qui sort des centrales nucléaires parce qu’elle pourrait nuire à la vie aquatique locale.
Mais aujourd’hui ces organisations justifient les animaux tués par l’éolien et le solaire en claironnant que la mort des oiseaux est due au changement climatique, et en diffusant cette comparaison fallacieuse précitée avec les chats domestiques.

Il est difficile de comprendre le double jeu des Verts, sauf en tant que manifestation d’une foi religieuse dans les énergies renouvelables.
Si les grands groupes des Verts étaient plus fidèles à leur mission qu’aux dieux du soleil et du vent, ils se joindraient à l’American Bird Conservancy (l’association pour la conservation des oiseaux) et exigeraient une réglementation obligatoire de l’industrie éolienne et solaire pour empêcher le massacre croissant des espèces menacées et en voie de disparition.

Il se peut qu’un tel changement soit déjà en cours. Un groupe de 75 biologistes, dirigé par l’écologiste australien Barry Brook, l’a écrit en 2014, « Pour faire face aux problèmes réels d’extension, de coût, de matériaux et d’utilisation du sol, l’énergie nucléaire est de loin la source d’énergie la plus compacte et la plus dense en énergie qui pourrait apporter une contribution majeure, et peut-être prépondérante ».

Mais le temps presse.
Alors que le nombre de décès d’animaux sauvages dus aux énergies renouvelables augmente, la Californie persiste à vouloir fermer la centrale nucléaire de Diablo Canyon pour la remplacer par du gaz naturel et de l’électricité provenant, vous l’aurez deviné… des nouveaux parcs solaires et éoliens.

Article de Forbes — 17 mai 2018